Le 15 octobre 2025, Temu et la filiale Colissimo de La Poste ont signé un protocole visant à renforcer leur coopération logistique en France, permettant à Temu d'accéder à des services de livraison, d'entreposage et au service « Local-to-Local » pour les vendeurs français. Cette alliance suscite une vive colère des professionnels: l'Alliance du Commerce et Procos dénoncent un « cheval de Troie » favorisant une concurrence déloyale, pointant les pratiques reprochées à Temu (non-conformité, avantages tarifaires et exonérations douanières) et l'incohérence avec les politiques publiques envisagées (taxe sur les petits colis). Les organisations réclament des mesures fortes: droits de douane, frais de gestion pour petits envois et renégociation de la Convention postale universelle.
Le 15 octobre 2025, Temu a formalisé un protocole d'accord avec La Poste, par l'intermédiaire de sa filiale Colissimo, dans le but de renforcer ses capacités logistiques en France. Cette annonce a immédiatement provoqué une levée de boucliers. L'Alliance du Commerce et la fédération Procos ont exprimé leur « profonde incompréhension et inquiétude » et appelé le gouvernement à « l'action forte ». Pour ces organisations professionnelles, cette collaboration entre une entreprise publique et le géant chinois de l'e-commerce suscite des interrogations.
Un accord pour améliorer la logistique
Ce protocole d'accord vise à renforcer la collaboration logistique entre Colissimo et Temu et à soutenir les vendeurs français en facilitant leurs envois. De manière concrète, plusieurs services ont été envisagés. L'accord acte la possibilité pour Temu de recourir, comme tout autre client, à une palette de services de La Poste : livraison de colis, entreposage ou préparation de commandes.
Dans le cadre de ce protocole, La Poste Colissimo et Temu envisagent de proposer un service de livraison de colis sur l'ensemble du territoire français, à domicile, en points relais, dans des consignes automatiques ainsi qu'en bureau de poste. Colissimo et Temu introduiront également un service national dénommé « Local-to-Local », destiné à fournir aux vendeurs français actifs sur la plateforme une solution d'expédition intégrale. Cet accord ne comporte pas de « notion de durée ».
« La Poste ne peut pas être le cheval de Troie de Temu »
La réaction du secteur commercial français a été immédiate. L'Alliance du Commerce et la fédération Procos dénoncent : « Ce partenariat facilite l'accès de Temu au marché français, au détriment des enseignes implantées sur le territoire et des règles fondamentales de concurrence loyale. »
Les dirigeants expriment leur indignation : « La Poste ne saurait être considérée comme le cheval de Troie de Temu. » « Ce partenariat envoie un message particulièrement préoccupant aux acteurs du commerce établis en France », affirment Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, et Antoine Peters, délégué général de Procos. Dans un communiqué commun, les deux organisations dénoncent un accord « incompréhensible et dangereux pour le commerce, les consommateurs et les territoires ».
Temu est mise en cause pour des pratiques commerciales jugées contestables
Les acteurs du secteur commercial soulignent que Temu a été mise en cause par la Commission européenne pour manquement aux obligations découlant du règlement sur les services numériques (DSA), et qu'elle profite de tarifs postaux avantageux ainsi que d'exemptions douanières pour les envois d'une valeur inférieure à 150 euros. Selon leurs dires, la plateforme constitue une concurrence déloyale et perturbe le tissu commercial local en proposant des produits non réglementés.
Temu, filiale du groupe chinois PDD Holdings, est régulièrement épinglée pour des pratiques commerciales agressives, des produits non conformes, des soupçons de contournement fiscal et un modèle social contesté. Les commerçants soulignent que des plateformes telles que Temu saturent le marché européen avec des millions de produits à des prix très compétitifs, souvent exemptés des taxes applicables et des normes de sécurité requises en Europe, tout en bénéficiant de franchises douanières.
La Poste dépendante des plateformes chinoises
Pour La Poste, ce partenariat constitue une nécessité économique. Les grandes plateformes chinoises d'e-commerce comme Temu, Shein ou Alibaba pèsent autant qu'Amazon avec 20 % des volumes transportés par Colissimo. Les plateformes asiatiques constituent désormais 22 % des colis traités par La Poste, en comparaison avec seulement 5 % il y a quelques années.
Ces clients de grande envergure sont essentiels lorsque le volume de courrier disponible ne permet plus d'assurer le travail des facteurs. Pour les nouveaux commerçants chinois établis en France, La Poste offre la possibilité de livrer l'ensemble de la clientèle française, tant en milieu urbain que dans les zones les plus isolées, en assurant une livraison du dernier kilomètre décarbonée grâce à l'utilisation de véhicules électriques.
Une incohérence de l'action publique dénoncée
La Confédération des commerçants souligne que La Poste demeure une entreprise publique, dont 66 % du capital est détenu par la Caisse des Dépôts et 34 % par l'État, ce qui engendre une mission de service public ainsi qu'une obligation d'exemplarité. Cette dimension publique confère à ce partenariat un caractère particulièrement controversé.
Les organisations professionnelles se posent la question suivante : « Dans un contexte où le Gouvernement envisage d'introduire une taxe sur les petits colis en provenance de ces plateformes, quelle est la cohérence de l'action publique ? » Le projet de budget de l'État pour l'année 2026 envisage effectivement l'instauration d'une taxe sur les petits colis expédiés par des entreprises situées en dehors de l'Union européenne, en particulier en provenance de Chine. Cette dissonance entre le discours politique et les pratiques commerciales constitue le point central des critiques formulées.
Appel à des mesures fortes du gouvernement
Les organisations professionnelles ne se limitent pas à exprimer des critiques. Elles exigent la mise en œuvre d'actions concrètes. L'Alliance du Commerce et Procos sollicitent instamment l'instauration immédiate de droits de douane pour les colis d'une valeur inférieure à 150 euros, accompagnée de l'établissement de frais de gestion appropriés pour ces petits envois au niveau européen.
Ils demandent également la dénonciation de la Convention postale universelle, laquelle accorde aux vendeurs chinois des tarifs postaux préférentiels, la Chine étant depuis longtemps considérée comme un pays en développement au sein du système de l'Union Postale Universelle. Cette controverse se manifeste dans un contexte de multiples confrontations avec les géants asiatiques de l'e-commerce, suite à l'annonce récente de l'ouverture de points de vente Shein au BHV et aux Galeries Lafayette, laquelle a suscité une vive indignation.

